Pierre-Alain Chambaz :Les restrictions de visas de travail aux États-Unis pénaliseront le secteur informatique à Bangalore.

Les restrictions de visas de travail aux États-Unis pénaliseront le secteur informatique à Bangalore.
Le débat en cours autour de la loi sur l’immigration aux États-Unis est observé de très près. Non seulement par le Mexique et d’autres pays d’Amérique latine mais également, à 19.000 kilomètres de là, par Bangalore, la capitale technologique de l’Inde, connue sous le nom de «Silicon Valley indienne».
Un des principaux secteurs visé par la loi est l’informatique. Avec près de 100.000 employés aux États-Unis, l’Inde est un des plus grands acteurs dans le secteur. Les États-Unis constituent le marché principal des sociétés de services informatiques (SSII) indiennes, soit 40 % de l’exportation totale de services informatiques, qui représentait près de 96 milliards d’euros en 2012.
Inscrite en priorité parmi les promesses électorales de Barack Obama lors de son second terme, la loi sur l’immigration a pour objectif principal de limiter les arrivées d’immigrés illégaux et de permettre aux migrants qualifiés d’avoir plus facilement accès à la Green Card.
La première version du texte annonce toutefois une augmentation du prix du visa H1B, qui, selon le nombre de salariés aux États-Unis, variera entre 3900 et 7800 euros. Par ailleurs, si une société a déjà 75 % de ses employés travaillant sous un visa H1B, elle ne pourra plus en bénéficier. En 2015, ce chiffre sera réduit à 65 %, puis à 50 %, en 2016.
Un véritable coup de frein pour les sociétés indiennes qui, déjà depuis 2008, peinent à faire des profits sur un marché américain frappé de plein fouet par la crise. L’industrie informatique indienne avait connu un âge d’or depuis 2000, avec une croissance fulgurante avoisinant les 20 % par an. Pour de nombreux dirigeants de SSII indiennes, cette loi va non seulement considérablement augmenter leurs coûts mais également les amener à revoir entièrement leur stratégie.

Délocalisations

«Les salaires et coûts liés vont augmenter de façon considérable car les sociétés indiennes devront employer davantage de locaux. Les business modèles vont être chamboulés», explique Ameet Nivsarkar, vice-président du Nasscom, l’association des sociétés de services informatiques indiennes.
Aujourd’hui, près de 60 % des services effectués par les SSII indiennes pour leurs clients américains sont réalisés en Inde et 40 % sur place. Avec ses barrières financières, la loi sur l’immigration pourrait amener les sociétés à délocaliser une grande partie de ces prestations en dehors des États-Unis. «Les sociétés indiennes pourraient décider de déplacer leurs centres de services au Canada ou dans des villes moyennes aux États-Unis pour réduire leurs coûts. Une autre solution serait l’acquisition de sociétés américaines et par conséquent d’une main-d’œuvre locale», ajoute Ameet Nivsarkar.
Depuis plusieurs mois, le secteur informatique indien tente désespérément de plaider sa cause auprès du gouvernement américain en mettant en avant son impact positif sur l’économie du pays. Selon la Nasscom, de nombreuses sociétés indiennes sont persuadées que leurs concurrents américains font du lobby auprès du gouvernement pour limiter leur croissance aux États-Unis. La Nasscom a ainsi fait appel à une société de lobbying pour présenter leur cas devant le Sénat américain dans les semaines à ­venir.
Le figaro

Pierre-Alain Chambaz